Il n'est jamais facile de parler des gens qui vous touchent, qui vous sont proches, que vous connaissez ou que vous croyez connaître.
C'est le cas d'Alain Genty, que j'ai recherché pendant des années, après avoir vu une expo à la "galerie de l'Ours" à Bourges.
Il y tenait, ce couple de galeriste passionné, avant de baisser le rideau, d'exposer Alain Genty, pour la gloire. Aucune pièce n'étant à vendre....
Entre monstre, chimères, rats, singes, sangliers, etc...c'était sa famille qu'il exposait, ses gardiens, des parties de lui, de son parcours.
C'est un ami aujourd'hui disparu, Daniel Gauthier, qui m'apporte enfin l'opportunité d'une première visite. Cette rencontre c'était il y a 8 ans environ, un été dans ce village perdu au milieu des vignes, derrière une petite église.
Un 2 pièces en bazar, une cuisine qui sert de garage à mobylette, d'atelier aussi et de cuisine en accessoire .
Une chambre sombre, avec un petit lit qui n'est jamais fait. Une étagère dans le coin de la pièce avec de la poussière presque millénaire.
Sur un tabouret qui lui sert de chevet, un ours avec ses 2 petits.
"Tu sais pourquoi, il y a toujours 3 animaux sur mes sculptures? Parce que je suis le troisième de la famille!"
Alain ne vit pas là, il y dort seulement.
Sa vie dehors, avec les autres, avec Jean-luc Belleville surtout.
Il sait tout faire Alain, taille les haies, tond la pelouse, taille les vignes, fait le maçon, le terrassement et celà par tous les temps.
Un jour d'hiver sous une pluie battante, de passage en Berry, il était là, ruisselant sous les trombes d'eau, face à l'école de "La Borne" entrain de creuser à la pioche au milieu d'un tas de cailloux, sans rechigner jamais.
Et ces quelques mots familiés, joueur aussi "tu viens me foutre un PV?" .
Il pêche beaucoup Alain, dès l'aube, l'été avec les gamins, un grand gamin, avec un coeur comme çà!
"C'est un dragon, Alain," lançais-je à notre première rencontre. "Ce n'est pas un dragon, c'est un dragonne, regarde!".
Derrière le frustre, le "taillé à la serpe", "l'homme des bois", il y a le tendre, la sensibilité de l'enfance, cette émotion naturelle devant les évenements qui viennent à lui.
....et cette moutonne qui vient de se faire mordre le pis par un chien, qui va mourir, et qu'il doit tuer à coups de masse.
Cette scène qui le choc, mais qui libère 2 agneaux bien en vie.
Cette histoire qu'il va "exorciser" à sa façon, en réalisant une sculpture.
Réalistes et naïves, touchantes toujours, ces sculptures respirent le monde fantastique du douanier Rousseau, du facteur Cheval avec moins de soleil.
Alain raconte sa vie à travers ces oeuvres, Alain n'est pas un usurpateur de "l'Art Brut".
Il est "l'Art brut" !
